Cours 6: la théorie de l'attachement (suite)
6. La stabilité des patterns d’attachement
Plusieurs études récentes mettent en évidence l’importante stabilité des patterns d’attachement de la petite enfance tout au long du cycle de vie de l’individu. Ainsi les recherches de Sroufe et collaborateurs (voir Schneider, 1991), démontrent que le type d’attachement de l’enfant dans la première année de vie (sécure, évitant ou ambivalent) prédit le développement de ce dernier à travers tout le cycle de vie. Bowlby a développé l’idée de modèles de travail internalisés pour expliquer la tendance qu’a l’enfant de faire progressivement siens les modèles d’attachement. Ceci expliquerait pourquoi le modèle d’attachement en bas âge est si déterminant et qu’il se caractérise davantage par la continuité que le changement tout au long du cycle de vie.
Waters et al. (voir Van Ijzendoorn, Juffer et Dayvesteyn, 1995) ont trouvé une très bonne corrélation entre les modèles d’attachement (sécures ou insécures) de sujets testés à un an et au début de l’âge adulte: 70 % des sujets présentaient à l’âge adulte le même type d’attachement qu’à un an. Les auteurs remarquent aussi que l’instabilité des patterns pouvait dans une large part s’expliquer par l’intervention de certains facteurs dans la relation d’attachement, comme une maladie grave, des séparations ou des pertes de figures d’attachement.
7. La transmission intergénérationnelle
Les patterns d’attachement de la petite enfance se répercutent non seulement tout au long du cycle de vie mais ont également tendance à se transmettre à la génération suivante, comme en font foi les récentes recherches portant sur la transmission intergénérationnelle.
Une série d’investigations (voir Zeanah, 1996) portant sur la transmission intergénérationnelle [2]des patterns d’attachement démontrent que le type d’attachement noté chez un parent dans le cours de la grossesse prédit de façon significative le pattern d’attachement du bébé au-delà de l’âge de un an. L’étude de Fonagy et al. (1996) paraît très intéressante à ce sujet. Cette recherche met en lien le type d’attachement de la mère et du père tel que mesuré par l’Adult Attachment Interview durant le dernier trimestre de grossesse et celui de l’enfant tel que mesuré par la "situation étrange" à douze mois avec la mère et à dix-huit mois avec le père. Les résultats confirment les prévisions transgénérationnelles. Quand les entretiens avec la mère indiquent qu’elle est de type préoccupé, ou détaché, près des trois quarts des enfants, après le bref épisode de séparation, répondent à leur mère de façon évitante ou inconsolable[3]. Ceci offre un contraste avec les 80 % d’enfants de mères autonomes qui répondent, au retour, par une diminution notable de l’angoisse. Les résultats avec les pères s’avèrent moins probants[4] mais statistiquement significatifs.
On peut se demander quels facteurs expliquent la transmission intergénérationnelle des patterns d’attachement ? L’étude de Fonagy (1996) permet d’établir des hypothèses explicatives. En effet, il apparait[5] que ce n’est pas la nature objective du vécu des parents qui prédirait le pattern d’attachement de l’enfant mais plutôt l’importance de leur position défensive. Il semble en effet que les comportements défensifs que l’on peut discerner dans les réactions des enfants en situation de stress trouvent leur origine dans les stratégies défensives des parents. Fonagy constate que les défauts de réponse de la mère à l’égard des besoins de son enfant proviennent de ses propres défenses contre la reconnaissance et la compréhension d’affects[6] négatifs en elle-même.
8. LES TROUBLES DE L’ATTACHEMENT
Depuis qu’Ainsworth a introduit sa classification des types d’attachement de l’enfant, soit sécure, évitant ou ambivalent/anxieux, on a beaucoup parlé d’attachement en ces termes. Or, la grande difficulté liée à cette classification, si utile pour la recherche, est qu’elle ne permet pas de déterminer si l’enfant souffre d’un trouble de l’attachement, donc de déterminer si l’attachement s’avère pathologique. Une interprétation erronée de cette théorie a pu amener certains intervenants à penser qu’il fallait laisser tous les enfants à leur mère parce que tout type d’attachement reflétait l’existence d’un lien entre la mère et l’enfant. Afin d’élucider le moment où une organisation affective constitue une pathologie, il faut déterminer si elle entrave d’autres domaines d’adaptation et si son intensité et sa persistance dépassent les normes de l’âge.
Lors d’un colloque tenu à Montréal en 1997, Steinhauer propose une grille de facteurs suggérant des troubles de l’attachement :éplacements multiples
- négligence ou abus sévères à long terme
R Histoire de ruptures ou de négligence sévère
- déplacements multiples
- négligence ou abus sévères à long terme
Refus de dépendre de l’adulte
- centration sur son propre plaisir
- ne compte que sur lui-même
- ne recherche pas le réconfort lorsqu’il est anxieux
Absence de réactions manifestes à la séparation
- ne réagit plus aux changements de milieux de vie: pas de réaction apparente
Sociabilité sans discernement
- trop familier avec les étrangers
- aucun adulte ne semble plus significatif qu’un autre.
- recherche excessive d’attention - incapable de changer de comportement pour protéger la relation à l’adulte
Relation superficielle à l’autre
- sourire artificiel et absence d’émotions véritables
- se relie de façon mécanique - fait et dit ce que les autres attendent de lui
- manipulateur et centré sur ses intérêts
Incapacité de conserver les bons moments sans les détruire par la suite
- réagit mal aux compliments, aux récompenses
- détruit activement le lien avec l’adulte après un bon moment passé avec lui
- intolérant à toute attente de l’adulte à son égard tration sur son propre plaisir
- ne compte que sur lui-même
Réaction à toute limite ou exigence comme à une attaque ou à une critique
- difficulté à admettre ses torts même pris sur le fait
- se montre inatteignable même lorsque puni
Apprentissages difficiles
- besoin de la proximité de l’adulte pour fonctionner
Relations conflictuelles avec les pairs
- contrôle excessif
- manque d’empathie et de chaleur
- manipulation et hostilité[7] lorsqu’il n’a pas ce qu’il veut - partage difficilement l’attention de l’adulte - ne rche pas le réconfort lorsqu’anxieux
Absence de réactions manifestes à la séparation
oute attente de l’adulte à son égard
Conclusion : En guise de conclusion, il importe de préciser que l’attachement est de plus en plus pris en compte dans le travail fait auprès des jeunes enfants et de leur famille. En effet, il est important de reconnaitre l’importance de travailler à l’établissement ou au rétablissement de ce lien entre le jeune enfant et ses parents et de pouvoir rapidement reconnaître les situations où ce travail s’avérera impossible. On sait que dans les cas d’incapacité parentale, l’enfant doit pouvoir exercer ailleurs ses capacités d’attachement, au risque de les perdre peu à peu, avec les conséquences difficilement réversibles que cela entraînera sur son développement et en particulier sur sa socialisation.
[1]Forme, modèle.
[2] Intergénérationnel est un adjectif qui permet de décrire les interactions ou les échanges, positifs ou négatifs, qui peuvent se dérouler entre des individus ...
[3] Personne complètement désespérée qu'il est impossible de réussir à consoler (soulager)
[4] Convaincant
[5] Il appert Verbe apparoir au présent de l’indicatif ; apparaitre.
[6] Etat affectif élémentaire, qui accompagne une pulsion (force qui pousse à accomplir un acte incontrôlé, inconscient).
[7] Agressivité, se conduit en ennemi